Lorsque l’on arrive dans le quartier de la Goutte d’Or par la station de métro Barbès-Rochechouart, on se voit aussitôt remettre la carte de visite DU marabout qui fera revenir l’être aimé ou viendra à bout des problèmes d’impuissance les plus tenaces. C’est une fois le précieux carton en poche que l’on peut songer à se perdre dans les ruelles animées de cette « Little Africa » qui mériterait qu’on y passe plus de temps.

Le quartier de la Goutte d’Or, situé dans le 18^ème arrondissement, forme un carré délimité par le boulevard Barbès (à l’ouest), le boulevard de la Chapelle (au sud), la rue Max Dormoy (à l’est), et la rue Ordener (au nord). Son nom vient de l’ancienne vocation viticole du quartier : il y a quelques siècles, on y cultivait des vignes qui produisait un honnête petit vin blanc.

Les raisins de la Goutte d’Or ont ensuite cédé leur place à des « garnis » à loyers modestes, qui ont de tous temps attiré les immigrants. D’abord ceux venus d’Europe de l’Est, puis ceux du Maghreb, et enfin, à partir des années 60 ceux d’Afrique de l’Ouest puis d’Afrique Centrale. Pour découvrir de nos jours ce quartier haut en couleurs, le mieux reste encore de déambuler au hasard des rues, et de se laisser transporter quelque part entre Dakar, Bamako et  Kinshasa.

On vous suggère les étapes suivantes :

La Goutte d’Or est le paradis de la wax, ce tissu en coton aux motifs vifs très populaire en Afrique subsaharienne. Inspirée des batiks indonésiens, la wax commence à être produite à l’échelle industrielle par les Hollandais avant d’inonder le marché africain au 19ème siècle. Ce tissu multicolore sert à confectionner les boubous, mais pas que : bijoux, pochettes, jupettes, soyez wax ou ne soyez pas !

Parmi les adresses où on se fournit pour nos collections capsule : Megawax (à l’angle de la rue des Poissonniers et de la rue Polonceau), Espace Africain, (56 rue Polonceau), Newax Textile (25 rue Richomme), la boutique du 15 rue des Poissoniers. Il ne faut pas hésiter à entrer, à soulever les lourdes piles pour trouver la perle rare !

Les bonnes adresses de wax continuent rue Doudeauville : c’est ici, entre les épiceries spécialisées et les  supérettes, que vous trouverez, magasin après magasin, le plus large choix de wax de la Goutte d’Or. On aime bien le Kumasi Market, au n°39, et sa jolie devanture tout en peinture, annonçant « véritable java » et « super soso ». C’est ici qu’on acheté de quoi faire une jolie guirlande de fanions.

Remontez ensuite la rue des Poissonniers : cet ancien chemin d’approvisionnement en poisson de Paris, mérite que l’on s’arrête à son n°9. Kata Soldes, grand magasin de chaussures a élu domicile dans un ancien cinéma, construit en 1914. Les boîtes à chaussure s’y empilent sur fond de colonnes, moulures, velours rouge et balcons : c’est le Barbès Palace et c’est grandiose !

Ne manquez pas la superbe fresque d’un beau bleu puissant qui orne les murs du magasin à l’angle de la rue Dejean et de la rue des Poissonniers.

Bifurquez dans la rue Dejean et le marché Dejean : ouvrez les yeux, les narines, les oreilles ! Pour voir les plus beaux étals de la Goutte d’Or, c’est ici : gombos, patates douces, bananes plantin, piments multicolores, safous, manioc, ignames…Vous avez dit safous ? On recommande à ce propos la lecture de cette très belle page des Carnets de l’Afrique à Paris, selon nous le meilleur ouvrage qui existe sur l’Afrique à Paris (notre post à ce propos ici !).

Pour poursuivre votre immersion culinaire, rendez-vous dans l’une des nombreuses épiceries du quartier : tisanes à la citronnelle et bouillons cubes Maggi, camaïeu d’épices, vous y trouverez tout ce qu’il faut pour confectionner de bons petits plats.

Enfin, pour acheter un chinchard de Douala ou un tiof de Dakar bien frais (oui c’est bien de poisson qu’il s’agit !) rendez-vous dans l’une des nombreuses poissonneries alentours. A l’angle des rues Léon et Panama, à la Poissonnerie Parivic vous pourrez observer les têtes de requins marteau et autres baracudas, empaillés façon trophée de chasse sur les murs !

Les boucheries sont également légion, mention spéciale pour La Viande à Gogo et sa vitrine « illustrée », au n°10 de la rue de Panama (et juste en face, le flamboyant coiffeur Obama Fashion Hair)!

La rue Myrha : au n°26 vous aurez toutes les chances de croiser l’un des marabouts évoqués plus haut acheter ses volailles vivantes à La Ferme Parisienne. Coq ou poule, blanc, roux ou noir, vous aurez le choix entre toutes ces volailles qui caquètent dans la paille. Les moins hardis pourront se contenter d’acheter des palettes d’œufs !

Mais la rue Myrha, c’est bien plus que des volailles vivantes : cette rue incontournable de toute promenade à la Goutte d’Or regorge aujourd’hui de merveilles et de dynamisme !

Au n°70, la cantine Le Myrrha propose une cuisine maison, simple, saine et abordable. On y mange des bols de légumes de saison accompagnés de viande, d’oeuf ou de riz, des soupes, et des gâteaux au prix imbattable de 10€ le menu.

Rendez-vous au n°37 pour découvrir des baskets 100% made in Africa. Sawa Shoes est une marque que nous aimerions bien voir détrôner la Stan Smith :)

Au n°40, Maison Château Rouge a installé ses portants chargés de créations en wax : c’est une avalanche de couleurs et de peps ! Découvrez aussi ici le jus de bissap Bana Bana.

Au n°43, vous trouverez La Régulière, une superbe librairie-café, dont les étagères garnies d’ouvrages et de romans graphiques (avec la part belle faite à l’Afrique) rivalisent avec un comptoir couvert appétissantes parts de cake. Une très belle adresse, à découvrir en détails ici.

Enfin, sur les façades des n° 60 et 62 de la rue Myrha, vous verrez les bambous et leurs papillons signés Mosko et associés, évoqués dans notre précédent post, mais aussi une girafe, au croisement avec la rue des Poissonniers.

C’est entre les n°19 et 23 de la rue Léon, que s’est niché l’ICI ou Institut des Cultures d’Islam, un beau petit musée d’art contemporain, très dynamique, ouvert en 2006 et dont la vocation est de mettre en lumière toute la diversité et la richesse des cultures attachées à l’Islam. Le plus : une terrasse cachée façon patio méditerranéen, et le Café d’Ici, un resto de couscous, tous deux très agréables (surtout en été) !

Depuis 2013, la rue Stephenson abrite au n°56 le deuxième bâtiment de l’Institut des Cultures d’Islam, l’ICI Stephenson, qui réserve lui aussi de belles surprises, comme un merveilleux hammam reconverti en musée (mise à jour octobre 2018 : les salles d’expo du 2ème étage sont ouvertes mais le hammam est en travaux).

En traversant le square Léon, laissez-vous surprendre par la gigantesque fresque qui entoure le terrain de sport. Panthères, tigres et rhinocéros ont envahi la ville pour créer une véritable jungle urbaine en plein Paris !

Plus bas, la rue des Gardes accueille depuis 2001 des boutiques de créateurs, comme Marcia de Carvahlo au n°2 ou Lily Lafiti au n°11. La Brasserie de la Goutte d’Or s’est installée au n°28, ressuscitant au passage la tradition du quartier de fabrication de breuvages alcoolisés.

Enfin, partez en quête de la Goutte Verte : pas vraiment d’adresse pour ce jardin communautaire mobile, qui se déplace d’une friche à l’autre, avec son lot de semis, pots en terre cuite, planches de bois bariolées et chaises dépareillées.  Belle initiative, à suivre ici. Avant de repartir, faites donc un crochet par l’Égypte, avec une visite au Louxor – Palais du Cinéma, devant le métro Barbès-Rochechouart, au 170 boulevard Magenta. Très bonne balade à la Goutte d’Or !

Cl.

PS : vous avez aimé cette balade dans le Paris de l’Afrique ? Découvrez notre balade dans le Paris de l’Inde et du Sri Lanka ou bien notre « balade indochinoise » dans le quartier des Olympiades !